Un demi papa - 9

27 Août 2010 – 17H25 :

C'était le début du mois de Juin, ça faisait un mois que Papa était parti quand on a entendu la voiture.

 

On l'a entendue de loin, parce qu'il faut bien dire qu'il n'y avait plus un bruit de moteur autour du gîte, sauf quand Pierre-Alain faisait des gros travaux ou allait chercher quelque chose loin.

 

Quand j'ai entendu le moteur, j'ai couru à l'entrée du chemin, je voulais que ce soit mon Papa qui revienne. Et puis, d'abord je n'ai pas reconnu la voiture, ensuite j'ai vu que c'était une femme, une blonde aux cheveux longs, alors je suis resté derrière les arbres, de l'autre côté du fossé, quand elle est passée devant moi.

 

Quand elle est entrée dans la cour du gîte, les adultes avaient fait rentrer les enfants et seuls Pierre-Alain et Charles étaient visibles, à attendre que la conductrice descende. De loin, je n'ai pas entendu, mais je l'ai vu sortir de la voiture et parler à Pierre-Alain et au bout de pas longtemps ils se sont fait la bise. Alors je suis revenu, pendant que Dominique et Laurie sortaient.

 

Donc, c'était Hélène. Elle avait cinquante ans, elle était infirmière et avait connu Nathalie, la femme de Pierre-Alain, il y a longtemps, avant. Le mari et les deux enfants d'Hélène étaient morts tous les trois au premier passage de la Grippe, depuis elle vivait à une centaine de kilomètres d'ici avec d'autres survivants, une dizaine, dans un autre tout petit village, Lauzières-des-Monts, vers les Pyrénées.

 

Hélène nous a raconté que, dans son groupe, les choses ne s'étaient pas bien passées. Il y avait un seul homme, un chasseur du village, et que des jeunes femmes avec lui sauf Hélène et trois petits enfants et ce gars-là n’était pas un gentil. Au début, c'était normal qu'il commande puisque c'était le seul à savoir tout faire, couper du bois pour faire du feu pour cuire et se chauffer, tuer les animaux pour manger, utiliser les engins de la ferme, etc., etc.

 

Et puis il est devenu une sorte de roi du village. Il lui fallait tous les soirs une femme dans son lit, comme le roi Arthur dans Kaamelot mais pas rigolo. Et puis personne n'avait le droit de partir sans son autorisation, il fallait tout le temps lui obéir et le servir. Hélène c'est la seule qui lui tenait tête parce que, comme elle disait, ce n'est pas à cinquante ans après avoir perdu son mari et ses enfants que quelqu'un allait lui commander la vie qui lui restait ; et puis comme elle était infirmière c'était la seule capable de soigner, donc le gars ne pouvait pas vraiment se passe d’elle

 

Alors, dans le groupe, Hélène essayait de convaincre les autres femmes de ne pas se laisser faire, mais ça ne marchait pas. Hélène n'a pas tout dit, devant nous les enfants, je suis sûr que le gars tapait pour se faire obéir.

Finalement, un jour où le gars s'était enivré à tomber par terre au milieu de la cour, Hélène et une autre l'ont attaché et enfermé dans une chambre et tout le monde est parti dans le fourgon du méchant, où il y avait encore de l'essence.

 

Au bout de deux jours elles ont trouvé une autre communauté qui les ont accueillies mais Hélène n'est pas restée, elle ne s'y sentait pas bien.

Elle s'est souvenue de Nathalie et du gîte où elle était déjà venue une fois, elle a pris une petite voiture, une qui ne consomme pas beaucoup et elle est venue, sans savoir s'il y aurait quelqu'un, mais comme elle dit « Quand j'ai envie, j'y vais, je ne veux rien regretter plus tard. »

 

Hélène, nous on l'aime bien, et je crois qu'elle nous aime bien aussi, puisqu'elle est restée avec nous depuis ce jour.