Block 108 bis : 16

16 :


 

 

« -Le véhicule sanitaire arrive dans 30 minutes pour embarquer les blessés. Vérification de matériel et de munitions pour les autres. Soldat Merklef ? Ça donne quoi ? »


 

Visage fermé, mâchoires serrées, le Lieutenant Massa donne ses ordres en descendant de l'antigrav où il vient de rendre compte à sa hiérarchie du dramatique et lamentable épisode de l'attaque du Gator.

Secondé par le Sergent Dagay, Massa dirigeait un groupe de sept soldats. Ils faisaient partie d'Armée Privée ©, la traque était leur spécialité. C'était la première fois que Massa perdait des hommes. Et là d'un coup Koep et Dagay étaient morts, dans ce marécage à la con peuplé de monstre reptilien géant à la con, simplement en allant achever un shérif à la con. Et avant de crever, littéralement coupé en deux par le minigun à impulsions d'énergie, le monstre aquatique avait réussi à sérieusement blesser deux autres membres du groupe.

Résultat, un savon de son Capitaine, une ligne rouge dans son dossier, deux sacs à viande sur le rivage, deux blessés prémédicalisés prêts à repartir, un groupe réduit à quatre plus un pilote, et un sac en peau de reptile rempli de viandes et de viscères déjà envahis par les insectes dont grouille ce marais à la con.


 

- Lieutenant ? » Le soldat Merklef interrompt le flot rageur de pensées de son Lieutenant. « Le gars a fini par dire où il a récupéré le bus. Un hôtel pas loin d'ici, le Lark. Dix minutes à vol d'oiseau. »

- OK. » Massa reprend pied dans la réalité, dans l'action. « Une piqure de neurohypnotique pour que ce gars ne sache plus ce qui était réel de ce qui ne l'était pas et on le remet dans son bureau. Jonesy est en état de tenir une arme et de parler dans une radio, elle veillera sur Radom en attendant le sanitaire. Tous les autres, en route pour le Lark. »


 

Une minute plus tard, l'antigrav décolle et laisse derrière lui la zone de combat.


 

A moitié noyé, blessé, le shérif Wally Kenton se permet de souffler longuement. Les mercenaires sont partis. Il va pouvoir tenter de regagner le rivage. Ça va être long. Et douloureux.


 

- Six personnes repérées, Monsieur. » Les yeux rivés sur l'écran des senseurs braqués vers le Lark, le soldat Karpof informe le Lieutenant Massa. « Aucune défense particulière d'après les capteurs. Construction standard, béton cellulaire, verre et bois. Sûrement un sous-sol sous la chape de béton, mais là les capteurs ne passent pas. »

- Merci, Karpof. » Massa affiche l'hologramme devant lui et prépare l'assaut. Malgré leur puissance de feu, quatre contre six, c'est limite. Mais vu le budget croissant de l'opération, Armée Privée © veut limiter les frais. « Pas de renfort », lui a bien fait comprendre son Capitaine.


 


 

- JE NE LE CROIS PAS ! BANDE DE MENTEURS ! » C'est Gena qui explose, qui s'emporte contre Joe et Ilda. Entrée furtivement dans les appartements privés des gérants de l'hôtel, elle vient de les prendre sur le fait, connectés au réseau, devant l'épisode journalier des « Feux de l'amour et de la trahison ». Alors elle crie. « Alors comme ça il n'y avait pas moyen de se connecter au reste du monde ? On ne pouvait contacter personne ? On ne pouvait pas se faire virer des fonds ? Bande d'escrocs ! Et ça, je le prends ! »


 

Sans laisser une demi-seconde au couple, Gena s'est emparée du fusil posé debout contre un guéridon. « Oh là ! Oh là ! » gronde Joe en essayant de se lever « Le Shérif ne sera pas content si vous nous menacez. »


 

- Qu'il vienne, celui-là ! » Gena est bien échauffée, ça se sent. « J'ai bien envie de le braquer à son tour et de lui faire bouffer son insigne. Alors, maintenant, vous nous trouvez un véhicule qui fonctionne et on s'en va ! Debout ! »


 


 

Poussant Joe et Ilda devant elle, criant pour rassembler le groupe, Gena arrive dans le hall d'accueil de l'hôtel et se fige brutalement.


 

- Bonjour, mademoiselle Gena, » l'accueille fort aimablement le Lieutenant Massa, arme au poing. Près de lui, trois soldats armés tiennent en joue Horst, Kafim et Sidonie, assis dans les fauteuils bas. « Pas de mouvement brusque, vous lâchez la crosse de l'arme et vous la posez au sol en ne tenant que le canon. » Gena n'a guère de choix. Elle obéit et rejoint les autres prisonniers.

La tension baisse, Massa a presque l'air détendu.


 

- Merci. Je suis le Lieutenant Massa, de Armée Privée ©. Ma corporation a signé un contrat pour la récupération de Mlle Sidonie Tsilton, les autres ne sont pas concernés. Donc, tout peut se passer au mieux, sans haine ni violence. Néanmoins toute tentative de résistance donnera lieu à mesure de rétorsion immédiate. Je me fais bien comprendre ?


 

Le silence qui suit cette déclaration semble bien confirmer que personne n'a envie de se faire tuer. Sauf Sidonie, évidemment.


 

- Mais j'en ai marre, moi ! » crie-t-elle en se levant brutalement, avant de retomber d'un coup, sans connaissance, immédiatement frappée d'un coup sec de matraque électrique par le soldat qui se tenait près d'elle. Horst et Gena s'était crispés dans leurs fauteuils, les canons des armes les forcent à se rassoir.

- Bien. » continue Massa. « Nous allons vous ligoter le temps de partir, vous pourrez aisément vous délier après notre départ. Laissez-vous faire, un par un, ce sera mieux. »


 

Sous la menace, personne ne bouge. En deux minutes, Horst, Gena, Kafim, Joe et Ilda sont menottés, pieds et poings, par des liens en plastique.


 

Toujours inconsciente, Sidonie est embarquée par deux soldats jusqu'à l'antigrav posé dans la cour. Le reste de la petite troupe recule alors, armes braquées, sens aux aguets.


 

L'antigrav décolle alors, souplement, sans bruit...