Chapeau Rouge (2/2)

Chapeau Rouge

ou

L'arbre de justice

(idée d'histoire forestière)


 

2eme partie :

Clignotements / images floues (une image noire / une image ombrée / une image floue / une image nette) : Chapeau Rouge se réveille dans les ramures de son arbre, retenu et accroché par ses vêtements.

L'arbre est maintenant posé sur une carriole rustique mais solide, tirée par le géant (harnaché comme un éléphant), encadrée par les forestiers, le tout mené par le dresseur. Personne n'a de monture, tout le monde marche.

On symbolise l'avancée du convoi par le soleil qui monte puis redescend dans le ciel, par des pauses ou des haltes, par le changement des routes : pas de route au début, sentier au milieu, large route de terre sèche vers la fin. De temps en temps, à des carrefours de préférence, des gibets, potences et autres croix de St André parsèment un paysage peu habité et présentent des pendus et autres suppliciés. On doit comprendre que nous ne sommes pas au paradis des écolos, nous sommes chez les barbares, et les châtiments sont rustiques. On peu insérer une halte où les forestiers urinent au pied d'une potence.

Une nuit passe, Chapeau Rouge reste caché, il a peur, il est méfiant. Il n'est plus empêtré, il s'est détaché et bouge de temps en temps pour rester caché et se dégourdir les membres.

Le lendemain, fin de matinée, le convoi arrive en vue d'un château barbare. Pas un château fort en hautes pierres, plutôt une tour rustique sur une motte de terre fortifiée protégée de solides palissades en pieux durcis au feu et entourée d'un fossé. L'accès se fait par un pont-levis, actuellement baissé.

Sur la grande étendue plane devant le pont levis, des soldats barbares désœuvrés et des marchands ambulants.

Sur un côté de cette place, un nouveau gibet bien garni.

Sur le côté de cette place opposé au gibet, des paysans (esclaves ?) creusent un grand trou dont la terre s'entasse à côté.

Sortant du château, le Druide rejoint le convoi (près de lui, deux assistants porteurs de sacs de cuir).

Il désigne le trou en cours de creusement, vers où le dresseur fait reculer la charrette tirée par le géant. A la fin de la manœuvre, l'arbre présente ses racines au dessus du trou, les paysans sortent, on comprend que l'arbre va être versé dans le trou et remis en terre.

A un ordre du Druide, le géant bascule la charrette, l'arbre bascule vers son emplacement, Chapeau Rouge tombe et tout le monde le voit.

Ordres et cris des forestiers, l'un d'eux descend dans le trou et en ressort Chapeau Rouge en le tenant tête en bas, pendu par un pied. Chapeau Rouge rattrape son chapeau au vol.

Le forestier présente le gnome au Druide qui le fait remettre dans le bon sens vertical et qui le regarde avec curiosité et étonnement.

Le Druide essaie de parler au gnome, Chapeau Rouge essaie de parler au Druide, mais ils ne parlent pas la même langue, ils ne se comprennent pas. Le Druide fait signe au forestier de reposer Chapeau Rouge et de retourner s'occuper de l'arbre.

Les paysans, à coups de pelletées de terre, recouvrent les racines, le géant pousse aussi de la terre et la piétine pour que l'arbre tienne solidement.

Pendant que ceci se passe en fond, le Druide sort, de l'un des sacs de cuir porté par un assistant, un parchemin qu'il montre à Chapeau Rouge (et à nous par la même occasion) : c'est un dessin stylisé de l'arbre devant le château royal, et sous l'arbre trône le Roi barbare porteur de ses attributs royaux (couronne, épée longue ou sceptre). Une longue file de paysans serpente jusqu'à arriver au Roi, le premier de la file, légèrement détaché, est agenouillé devant le Roi et visiblement le supplie ou lui présente une requête.

Puis le Druide montre à Chapeau Rouge (et à nous) alternativement ce dessin et l'arbre en cours de plantation. On doit comprendre que l'arbre déraciné puis ré-enraciné va servir comme le montre le dessin.

Chapeau Rouge s'énerve alors, et en dessinant sur le sol poussiéreux il montre le géant qui arrache l'arbre dans la forêt et les gnomes qui pleurent.

Le Druide s'énerve aussi, reprend le dessin au sol, rajoute des arbres partout et modifie la tête des gnomes en leur donnant le sourire ; et désigne l'ensemble péremptoirement, en montrant à plusieurs reprises ses mains pleines de doigts ; puis en désignant l'arbre transporté ici en tendant un seul doigt en l'air.

Il faut voir si on comprend bien qu'il dit que les gnomes ont autant d'arbres qu'ils le souhaitent et que ça suffit comme ça.

Chapeau Rouge devient tout rouge, il s'énerve ; le Druide aussi, qui commence à faire des gestes menaçants avec son bâton : ça va mal finir.

Des sons viennent du pont-levis, tout le monde s'arrête.

Les têtes se tournent : le Roi barbare sort de son château (à pied) et vient voir le chantier, accompagné d'une demi-douzaine de conseillers, seigneurs et autres barbares.

Le Druide donne un coup de pied en douce à Chapeau Rouge, l'envoyant bouler à quelques mètres, et se déplace de quelques pas vers le Roi, les bras ouverts en signe de bon accueil, fier de lui.

Le groupe du Roi arrive près du Druide, qui désigne fièrement l'arbre maintenant bien dressé, les paysans et le géant s'écartant car n'étant plus nécessaires. L'arbre a fière allure.

Et puis, passant sous la robe du Druide, Chapeau Rouge apparaît devant le Roi et l'interpelle de la voix et du geste. Surprise du Roi. Alors que le Druide va pour donner un coup de bâton à l'intrus, le Roi lui fait signe d'arrêter ; puis fait signe à Chapeau Rouge de parler.

On voit la scène de quelque distance, on voit Chapeau Rouge parler, désigner l'arbre et faire des dessins au sol. On doit comprendre qu'il répète ce qu'il a déjà essayé de dire au Druide.

Le temps s'arrête, Chapeau Rouge a fini de parler, le Roi est en pleine réflexion, les autres (Druide compris) attendent.

Et puis d'un coup le Roi éclate de rire, d'un vrai rire franc de barbare, il se tient les côtes.

Le Roi cesse de rire, s'essuie les larmes et tourne les talons, plantant là Chapeau Rouge, se dirigeant vers l'arbre, là où un géant est en train d'apporter son trône.

Chapeau Rouge bouge, court vers le Roi et l'interpelle. Le Roi le regarde, amusé, puis, sérieux, de son doigt désigne Chapeau Rouge puis le chemin pour partir. Attitude autoritaire, on comprend qu'il veut se débarrasser de Chapeau Rouge.

Le géant pose le trône sous les branchages de l'arbre, le Roi reprend sa marche.

Chapeau Rouge court à nouveau vers le Roi, l'interpelle à nouveau. Cette fois le Roi souffle, dans un début d'exaspération, relève les yeux, passe sans un regard pour Chapeau Rouge, et « en passant » un seigneur barbare donne un coup de pied à Chapeau Rouge.

Le Roi arrive à son trône. Les conseillers, le Druide, les soldats et tous les autres s'agenouillent lorsqu'il s'installe sur son trône. Il leur fait signe de se relever.

Chapeau Rouge arrive à nouveau et interpelle le Roi. Brièvement, on pense que celui-ci va exploser, puis il se contient et arrête le geste d'un soldat qui sortait son épée. Avec les mains, il désigne Chapeau Rouge puis l'arbre et l'inverse, l'air interrogateur. Chapeau Rouge, debout, hoche la tête l'air réjoui. Le Roi fait signe à Chapeau Rouge d'approcher, puis soudainement il le saisit par le col et le tient à bout de bras en hurlant un ordre vers ses soldats. Il n'a plus du tout l'air gentil.

Pendant que Chapeau Rouge se débat vainement, un soldat revient avec un sac de jute, qu'il tend, ouvert, devant le Roi. Le Roi y fourre Chapeau Rouge, ne laissant dépasser que la tête, et le soldat tire (fort) la corde de serrage.

Le soldat prend alors le sac et sur ordre du Roi va le suspendre à une branche que le géant courbe pour qu'il puisse y accéder.

Le soldat recule, le géant regarde le Roi, le Roi donne un ordre, le géant lâche la branche qui remonte brusquement, faisant brinqueballer le sac et le pauvre Chapeau Rouge (dans les mouvements, Chapeau Rouge est allé se cogner plusieurs fois à d'autres branches de l'arbre).

Lorsque le calme revient, tous les barbares rient aux éclats.

Le Roi, sa cour et le Druide quittent les lieux.

Le sac contenant le pauvre Chapeau Rouge pend à la branche, solidement lié.

Un zoom avant sur Chapeau Rouge montre que celui-ci est en piètre état : étouffé par la corde qui ferme le sac, plein de bosses et de contusions, il est tout blême et évanoui. Du sang peut couler de son nez pour bien montrer sa douleur.

La nuit tombe. Des soldats mollement éveillés gardent, de très loin, la zone.


 

Intermède : la nuit tombe puis le jour se relève.


 

Le jour se lève. Une longue file de paysans et suppliants s'est formée, jusqu'à une centaine de pas du trône à côté duquel siège une sentinelle.

Comparé à hier, l'arbre est toujours aussi grand, mais il est terne, limite maladif.

Le Roi descend du château en bel habit, beaux atours et riches ornements royaux, escorté de sa cour et du Druide. Il prend place sur son trône, tout le monde s'agenouille comme hier. Dans un coin de l'image, Chapeau Rouge dans son sac toujours accroché à une branche.

Le Roi fait le geste de se relever, tous se relèvent. Il fait un geste au premier suppliant de la file, qui s'approche alors.

Zoom arrière (puisque l'action de supplique ne nous intéresse pas) et nous découvrons une peinture.

Un peintre est en train d'immortaliser la scène : il esquisse la scène du bon Roi écoutant ses sujets sous l'arbre de justice. Évidemment, le sac n'est pas reproduit.


 

Et puis zoom avant, vers le sac, et nous voyons que Chapeau Rouge n'est pas mort. Sa tête est la seule partie de lui qui dépasse, elle crie et se fait entendre tandis que le sac bouge. Le pauvre a tout de même une tête fort mal en point.

Travelling vers le Roi : il est excédé. Il se lève soudain, descend de son trône et dans le même mouvement attrape une arbalète tenue par un de ses soldats, lequel en reste médusé, place un carreau sur l'arbalète qu'il lève vers le sac et tire. Schtonk, dans le mille, le sac recule violemment sous la force du trait. Chapeau Rouge ouvre la bouche et les yeux, la douleur ne lui permet pas de comprendre, son visage devient encore plus blême, sa bouche essaie de parler mais du sang coule, la tête retombe, les yeux fermés. Il est mort.


 

Le Roi rejette l'arbalète au soldat, reprend son calme, se rajuste, puis se rassied sur son trône. Tout le monde s'agenouille, il contemple tout cela avec contentement puis fait signe de se relever et au suppliant devant lui de poursuivre.


 

Pendant que la file des suppliants continue de défiler devant le Roi, zoom sur le sac où gît Chapeau Rouge.

Du sang coule depuis le corps du gnome le long de la hampe de l'arbalète, doucement, puis goutte sur un gland de l'arbre d'une branche juste en dessous. Le sang semble être absorbé par le gland.

Les heures passent. Le tableau est quasi terminé, riche et coloré. Par contre, le ciel se couvre, le vent se lève, forcit, des feuilles de l'arbre volent au vent.

Travelling vers le Roi : il est excédé par les feuilles et le vent. Il en fait le reproche au Druide, qui se défend mollement, on comprend qu'il dit qu'il n'y peut rien.

Soudain, une rafale de grand vent balaie la place, soulevant la poussière, faisant claquer les drapeaux, arrachant les bannières tenues par les soldats, et dans un souffle encore plus puissant déracine l'arbre qui s'abat sur le trône, le Roi, sa suite et le Druide.

La rafale se calme, les soldats et un géant soulèvent l'arbre, le Roi en sort, pas blessé mais très en colère. Quelques membres de sa suite sont plus atteints que lui. Le Roi attrape le Druide, le traîne devant lui et commence à l'insulter, le menacer, lui montrant l'arbre, on comprend qu'il lui passe un savon.

Toujours aussi excédé, le Roi fait saisir le Druide par ses soldats et leur désigne le gibet.

Dans les suppliques du Druide traîné vers le gibet par les soldats, le Roi tourne les talons et rentre au château.

Zoom arrière, la suite de la scène ne nous intéresse plus.

Travelling vertical ascendant, ciel nuageux.

Dans les airs virevolte un gland qu'on doit reconnaître comme celui sur lequel a coulé le sang de Chapeau Rouge.

Plusieurs cases symbolisent le long voyage du gland dans les rafales de vent, jusqu'à un travelling descendant vers la forêt des gnomes.


 

Plusieurs gnomes dont Noisette sont rassemblés là, discutant autour du trou de l'arbre déraciné.

Une dernière rafale jette le gland dans le trou. Le gland doit palpiter, vibrer. Il faut comprendre qu'il est « magique ».

Chaque gnome jette une poignée de terre par dessus le gland, les druides gnomes arrivent et disent des mots de prière. Noisette est agenouillée, elle pris silencieusement.


 

Intermède : le jour se passe.


 

Dans le soleil qui décline, au centre de la clairière, une fine tige tordue a poussé durant la journée. De cette tige naît un « hologramme », une forme irréelle d'arbre qui irradie dans la douceur de la nuit qui s'installe.

Les gnomes se rassemblent tous autour de l'apparition. En cette belle soirée, on finit par voir, comme eux, un visage dans la forme irréelle, dans les branches de l'arbre, celui de Chapeau Rouge souriant.

Noisette sourit alors tristement, zoom arrière sur la forêt sous les étoiles, leur grand arbre veille à nouveau sur les gnomes, fin.