Nasty, Maël & Bruno : 01

 

 

 

CHAPITRE I

 

 

 

 

-Gloire et honneur à vous, Héros ! Ce soir, neuf d’entre vous seront morts. Le vainqueur sera libre, riche, et roi de la fête que nous donnerons en son honneur. Maintenant, que les Jeux commencent !

Et la main lâche le fin tissu blanc qui tombe doucement vers le sol de l’arène…

 

Paralysé comme les neuf autre, Bruno n’arrive pas à détacher ses yeux du mouchoir qui s’approche. Incrédule, il se remémore les heures passées qui les ont conduit là…

 

Suivi de Khal Jaszek, les deux prisonniers sortent du Messerchmitt. Encadré des dix mercenaires de la SilverChalk qui attendaient à l’extérieur, ils marchent jusqu’à un superbe vaisseau d’affaire. Bruno n’aime pas ça. Pourquoi Chalk les fait-il arrêter par ses gardes privés, et embarquer dans le SilverShark, son propre engin, alors qu’un simple appel à la Sec Int suffirait ? Qu’est-ce que ça cache, “d’autres projets” ?

Question que Nasty lui pose quelques minutes plus tard, alors que Jaszek referme la porte de la cabine où ils sont bouclés, dépouillés de tous leurs effets personnels, vêtus simplement d’une combinaison usée aux armes de la SilverChalk. Ses ornements belliqueux disparus -hormis les rangers pour lesquels elle a failli monter au clash avec les gardes-, elle n’est que l’ombre de la guerrière qui l’a capturée il y a seulement quelques heures. Une paumée de plus, embarquée dans la cour des grands. Un jeu qui se déroule au dessus de son univers quotidien.

-Tu as voulu me suivre, tu le paie…” Bruno calme du regard et de la main le mouvement hostile de la jeune fille et poursuit, clair et concis. “Mon job, c’est d’aller dans des endroits dangereux, chercher des gens, des objets, des renseignements, pour le compte de personnes ou d’organisations qui se battent contre d’autres personnes ou organisations. Et cette fois, ça a foiré. Les détails n’ont pas d’importance. Fin de l’exposé.

-Bon. D’tout’ façon, on r’vient pas en arrière, hein Jules ?” La voix retrouve son mordant. “Alors, cause moi de ce… Chalk, c’est ça ?” termine-t-elle, prenant possession des lieux, vautrée sur la couchette, semelles au mur.

Bruno s’installe plus confortablement sur le sol souple, dos à la porte, et commence à raconter.

-Duncan Chalk. Président et seul maître à bord de la SilverChalk, petite mais très riche entreprise de métaux précieux, joaillerie et autres articles raffinés très recherchés par le beau monde. Eh bien, ce chevalier du monde moderne possède également des vues et intérêts dans d’autres activités beaucoup moins… publiques, comme le trafic hors douane de petits articles importants pour le compte de clients fortunés mais pas nécessairement désireux d’être cité dans les Nouvelles Galactiques. Et mon boulot à moi, cette fois, c’était de récupérer discrètement le petit cristal que tu as vu, et qui se trouvait dans le coffre privé de Chalk, dans sa banque ici sur Space City. Je l’ai récupéré, mais pas discrètement, c’est tout…

-Et tes employeurs ? Ils vont te laisser tomber comme ça ?

-Mes employeurs, comme tu dis, n’existent pas officiellement. C’est la règle du jeu. J’étais un outil, l’outil a foiré, on en prendra un autre, c’est tout. Point barre.

-Ca, c’bien les Corpos, tiens. Pourriture et compagnie ! ‘valent pas mieux qu’Karma. Si j’les r’trouve, j’les bute tous les deux. Ouais, tous les deux, Karma et ton boss. Et c’Jaszek aussi, tiens, pour l’plaisir, lui…

Remontée, Nasty saute de la couchette, feinte, esquive des coups invisibles, et à la fin de l’envoi conclut d’un superbe coup de pied fouetté au dessus de la tête de Bruno, en plein sur la porte qui encaisse stoïquement, mais garde en creux une empreinte de semelle renforcée. Peut-être les gardes n’auraient-ils pas dû lui laisser ses rangers, après tout…

-Ça défoule, bordel !

En la suivant des yeux, Bruno se demande d’où elle peut bien sortir… Les nerfs recablés, ça coûte bien trop cher. Son physique a l’air naturel, et à cet âge là aucune indépendante n’a encore eu les moyens de s’offrir l’opération. Enfin, il y a d’autres préoccupations pour l’instant.

Chocs sourds à l’extérieur, vibrations ultrabasses à l’intérieur, c’est le départ du SilverShark. Un crépitement tout juste audible, c’est le passage des champs de force du hangar. Une sensation d’accélération compensée en quasi-totalité par le contrôle gravitationnel du vaisseau, ce sont les propulseurs, faibles d’abord puis de plus en plus puissant à mesure qu’ils s’éloignent de Space City. Mais pour aller où ?

 

-Mais,… dans les Troyennes, sur l’astéroïde privé de Mr Chalk, évidemment”, répond Jaszek à la question de Bruno en ouvrant la porte de leur chambre-cellule après de longues heures de solitude.

Entraînés dans d’interminables couloirs de métallo-plastique d’un discret beige sable de bon goût, ils sont suivis de quatre miliciens dissuadant toute action inconsidérée. Comme depuis le début, comme Bruno l’avait étudié, ils sont équipés des tenues standard des unités de maintien de l’ordre. Uniforme/combinaison d’une pièce en tissé d’araignées transgéniques à très haute résistance ; renforts KevCuir de synthèse aux points stratégiques, jusqu’à la nuque. Et en main, les stun-gun à air comprimés signés Yrsli&R. Aucun danger pour les structures, un punch de boxeur poids-lourd pour celui qui en reçoit les projectiles.

Bruno joue la soumission, mais à son coté, tête haute et rangers raclant le sol, Nasty prend possession des lieux sans crainte visible. “Comediante !” sourit-il intérieurement.

 

-Mr Gotti ! Quelle joie de vous voir enfin. Nous nous sommes malheureusement manqué à Space City, n’est-ce pas ?” prononce d’un ton chaud le personnage qui s’est dressé à leur entrée dans l'immense bureau délicatement meublé de meubles et décorations discrètes mais de prix. “Et cette fière amazone à vos cotés, quelle belle arrogance !

Haut de près de deux mètres, Duncan Chalk est une masse. Cent cinquante kilos, ossature lourde, il a tout de l’ancien catcheur. Battoirs au lieu de mains, nez cassé, crâne rasé et faciès prognathe, il irradie une formidable sensation de puissance brute, encore renforcée par la volonté de fer lisible dans ses yeux noirs et perçants. Un homme dangereux à tous points de vue, assurément.

Les gardes congédiés, Bruno et Nasty immobiles, Jaszek remet le fin cristal bleu à son maître avant de reprendre place contre une paroi, à mi chemin du bureau et des invités.

-Merci Khal. Mr Gotti, vous m’avez causé un grand désagrément. Mais la mort brutale n’étant que de peu d’intérêt, j’ai pensé à autre chose. Qui est également valable pour cette jeune personne, à l’indéniable potentiel si j’en crois mes yeux. Maintenant, je vous prie de me laisser. Khal va vous conduire à vos quartiers. Méditez bien le terme de “Jeux du Cirque”, nous nous revoyons sans tarder.

 

Et les revoilà dans les mêmes couloirs, avec le même guide et les mêmes miliciens qui attendaient martialement derrière la porte. Quelques centaines de mètres, quelques changement de direction, quelques étages, quelques portes, et s’ouvre à eux une grande pièce sobrement meublée.

-A demain”, prononce Jaszek tandis que la porte coulisse et se verrouille sans bruit…

 

-Bordel d’enflure de chierie de bâtard de sa mère !!!” explose Nasty de façon retentissante en shootant violemment les moindres meubles de leur désormais cellule.

Tout y passe. Le canapé crème dont les coussins déchirés volent aux quatre coins, la table basse design qui se retrouve les fers en l’air et tordue. L’écran holo qu’elle décroche du mur à coup de pied et sur lequel elle s’acharne jusqu’à ce que plus rien n’y ait de forme reconnaissable. Le coin nourriture par lequel elle continue, éventrant les meubles en plastique blanc, déchirant les entrailles de l’autochef qui se répandent sur les débris, ajoutant la saleté au désastre. Sans rien épargner, elle continue son tour de la pièce, jusqu’à Bruno auquel elle se colle, haletante et ruisselante de sueur puis qu’elle dirige sur le seul endroit encore intact de la pièce, le lit, où ils s’écroulent tous les deux.

Aucune trace d’un quelconque sentiment. C’est un défoulement total, catharsis obligatoire, violence dirigée contre les seuls qu’ils peuvent atteindre : eux-mêmes, jusqu’à ce qu’enfin ils n’en puissent plus, roués de coups, déchirés, moulus de fatigue, toute hargne épuisée, leur combat terminée.

Nasty bascule hors du lit, et s’enroule dans ce qui fut un drap, pour s’endormir instantanément dans un coin vaguement dégagé de la pièce. Bruno se relève lentement, pour une longue douche très chaude qui nettoie son corps de la douleur qui remonte des multiples griffures et plaies superficielles. Puis, assis, jambes croisées, il s’oblige à ne plus penser, récitant les mantras du vide mental, contrôlant sa respiration, détendant un par un tous ses nerfs et muscles.

 

De longues heures ont passées. Dans un coin de sa perception, il enregistre le réveil de Nasty, son dédain de la toilette, puis sa fouille des restes de nourriture pour en extraire des barres d’aliments synthétiques qu’elle engloutit voracement avant de se remettre à tourner en rond dans la pièce. “Incapable de s’arrêter”, pense-t-il.

Lui se sent bien. A la fois reposé et prêt à l’action, quelle qu’elle soit. “Rien ne peut m’atteindre. Mon esprit est mon arme. Mon corps est la flèche”, monologue-t-il une dernière fois avant d’ouvrir les yeux et de se redresser souplement.

-Et ben, l’était temps Nono. M’inquiétais. S’qu’on fait, maint’nant ?

-On attend. Quoi d’autre ?

 

C’est ainsi que les découvre Jaszek bien plus tard. Lui, assis mollement dans un fauteuil rafistolé, elle terminant son trois mille huit cent douzième tour de la pièce, les débris sur son chemin repoussés et écrasés les uns sur les autres contre les parois, enfoncés à coups de semelles de rangers.

-Vous ne vous êtes pas ennuyés, au moins ?” énonce-t-il avec un sourire sans joie de reptile à sang froid. “Par ici, je vous prie”, poursuit-il de son meilleur ton de majordome stylé.

Tout en les précédant sur le chemin, suivi des inévitables gardes, Khal se retourne vers eux sans cesser de marcher.

-Il faut tout de même que je vous explique ce qui va se passer, n’est-ce pas ? Mr Chalk adore le spectacle, mais rien à ses yeux ne remplace le “live” -je suis d’ailleurs parfaitement d’accord avec lui sur ce point-. Or, notre petit planétoïde dérive loin de tout et, par la simple force des choses, les amusements deviennent rares, n’est-ce pas ? Mais par ici je vous prie.

A leur droite, Khal ouvre une porte et les y précède. La pièce est un grand vestiaire multi-usages. Contre le large mur du fond, les ouvertures de ce qui semble être des box individuels, sur lesquelles tiennent des patères, dont deux portent encore des combinaisons brillantes. Personne d’autre.

 

-Voila. C’est assez simple, finalement. Vous vous défaites de vos tenues actuelles, vous enfilez celles-ci qui vous attendent, chacun rentre dans son box, attend jusqu’à ce que les portes s’ouvrent, et tout le monde sort ensemble de l’autre coté. N’est-ce pas ?

-Et y va s’passer quoi ? On s’fait exécuter à la sortie ? On s’assied d’vant la tévé ? Ou on t’casse la tête ? N’est-ce pas ?

-Allons, allons, mademoiselle. Mr Chalk vous l’a dit, ce sont les “Jeux du Cirque”. Et maintenant, je vous prierais d’obtempérer, vous êtes les derniers.

Khal repasse derrière les miliciens. Ceux-ci lèvent leurs étourdisseurs en position de tir. Bruno résiste à l’envie d’une action stupide. Autant passer de l’autre coté intact. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Enfin, c’est ce qu’on dit… Il s’est rarement retrouvé piégé à ce point…

Calmement, il se débarrasse de sa tenue aux armes de la SilverChalk -maintenant sérieusement usagée-, décroche du mur celle à sa taille, et s’y glisse. Tissu synthétique souple à l’enfilage, moulant une fois mis, rembourré aux épaules, flancs, bas-ventre et cuisses. Une seule fermeture magnétique sur le devant, du mollet au col, protégée par un rabat. En plus, une paire de chaussures sportives - à son pied - remontant sur le bas des jambes. On serait presque bien là dedans, si ce n’était la couleur. Jaune. Vif. Même en pleine nuit on doit se faire repérer à des kilomètres avec ça.

Le voyant faire, Nasty s’exécute à son tour. Mais à sa façon.

 

Laissant glisser sa combinaison à terre d’un mouvement de zip, elle s’en extirpe avec moult gestes superflus, tout d’un coup gauche et pataude. Elle se retourne ensuite lentement, décroche la nouvelle tenue, qui tombe au sol, la regarde puis regarde les soldats d’un air candidement contrit, se plie pour la ramasser, croupe tendue qui ondule, s’y moule enfin et l’ajuste minutieusement, chassant le moindre pli par de lents mouvements de mains et de corps, remontant doucement, très doucement, la fermeture jusqu’à sa gorge.

Pas un garde n’a bougé. Maxillaires contractés, respirations forcées, leur maintien est nettement moins naturel que tout à l’heure. Leur regard est rivé, hypnotisé, sur la créature devant eux. Plus un bruit dans la salle.

Sauf Nasty, qui entre très naturellement dans son box et referme la porte derrière elle. Aussitôt, un immense éclat de rire en jaillit, fou rire inextinguible et sauvage qui va crescendo et ne s’arrête qu’à bout de souffle, pour reprendre encore et encore.

Le chef milicien se réveille d’un bloc, ses hommes sont rouges, et il ordonne sèchement à Bruno d’ouvrir sa porte et d’y disparaître. Derrière, Jaszek a un petit sourire en coin…

 

Plusieurs longues minutes d’attente. L’issue opposée à l’entrée coulisse vers le haut. Une lumière éclatante entre à flots. Bruno sort, indécis. A droite comme à gauche, d’autres hommes et femmes font de même. Devant eux, une vaste arène triangulaire aux coins arrondis. Au moins cent mètres de profondeur et autant de largeur à leur niveau. Derrière eux, le mur semi-circulaire s’est déjà refermé, lisse. Le sommet du triangle, en face, porte une vaste loge. Duncan Chalk, évidemment. A ses cotés, une cour empressée. Une dizaine de personnes, semble-t-il.

Le sol est fait d’un plastique couleur ocre, imitation sable. Les parois verticales et lisses ont au moins quatre mètres de haut et se recourbent vers l’intérieur à leurs sommets. Pas grand chose à faire par là. Le toit ? A vingt mètres, une verrière transparente donne sur l’espace. Avec du temps, il pourrait se localiser parfaitement. En tout cas, le dôme s’abaisse vers le mur circulaire derrière eux. Vu sa courbure, il doit rejoindre le sol pas très loin. Détail à enregistrer.

A leurs pieds, l’air s’illumine a hauteur des chevilles. Neuf trajets rectilignes convergent vers la loge. Bruno avance, comme les autres, foulant la lumière assortie à sa tenue. Il en profite pour examiner ses compagnons, tous vêtus du même modèle de tunique brillante dont seules les couleurs changent. Un véritable arc-en-ciel.

 

A sa gauche, le noir, le rouge et l’orange.

Mat, le noir surprend parmi la brillance des autres. La femme aussi. Bâtie comme une lutteuse de foire, elle a aisément autant de biceps qu’un boxeur pro. Et elle semble en vouloir à tout le monde, à en juger par son regard -noir-.

 

Rouge jusqu’aux cheveux, l’homme a coté d’elle a tout du jockey. Mince, sec, nerveux, moins d’un mètre soixante, des taches de rousseur parsèment son visage et ses mains. Il semble déplacé, ici. On sent la peur exsuder de toutes ses pores.

 

Son voisin, l’orange, ressemble trop à un garde du corps / tueur professionnel pour ne pas en être un -mais mauvais-. Le physique imposant, la démarche rigide, les mains déjà en position de défense d’un quelconque art martial, on voit mal ce qui pourrait l’abattre. A part son cerveau, sans doute. Du moins si l’on croit ces yeux mornes enfoncés sous des sourcils broussailleux dans de profondes orbites surplombant un nez plat et déformé, une mâchoire proéminente et carrée, vissée sur un cou massif de taureau. A ne pas perdre de vue. Leurs regards se croisant, Bruno lui adresse un sourire de complicité. D’abord étonné, l’autre finit par répondre, tandis que ses yeux reprennent un peu de pétillant. “Voila que je me suis fait un copain, maintenant. Après tout, s’il lui suffit d’une laisse et que c’est moi qui la tient, pourquoi pas ?”.

 

De l’autre coté, l’arc en ciel continue pour se terminer par l’ajout du blanc

Trop loin pour qu’il en discerne les détails, c’est une grande silhouette mince dont les cheveux blonds tombent en cascade jusqu’au creux des reins. Forme mince, dos cambré, poitrine agressive, blonde et faite au moule, qui cela peut-il bien être ? L’ex-bimbo de Chalk ?

 

En tout cas, pour l’homme en violet, il sait. La dernière fois qu’il l’a vu, il se faisait appeler Max. Son vrai nom est quelque chose comme Wilko Zeelenk, et son métier se rapproche de celui de Bruno. A la différence que Wilko ne cherche pas les gens pour leur dérober quelque objet, mais pour les tuer. Qui sait, il a pu être envoyé sur Duncan Chalk ? Autant, pense Bruno, le tueur à coté de lui a le look de sa fonction, autant Zeelenk est intérieur. Physique anodin, minable même, mais comme Jaszek gènes travaillés, contrôle conscient des hormones, et des années de métier. Une armée en un seul homme. Méfiance extrême.

 

Le grand dégingandé indigo qui le flanque ferait sourire, rappel de ces polars d’études destinés à finir souffre-douleur, si on ne posait la question de ce qui l’amène ici. Il n’a pas l’air dangereux, pour le moment. Plutôt terrorisé, même. On verra.

 

La combinaison bleue, il la connait. Il l’a vue se mouler sur le corps de Nasty tout à l’heure. D’un seul coup, il réalise et sourit largement. Tout ça ne lui a servi qu’à garder ses rangers. C’est la seule qui ne porte pas les chaussures réglementaires… La garce, l’adorable garce. En tout cas, bravo, ça peut servir.

 

Entre eux deux, un flic. C’est écrit sur son visage. Rigide, la mâchoire carrée, le cheveux brun et court, il porterait encore l’insigne s’il était nu. Ça veut dire deux choses, pense Bruno : un, que les magouilles de Chalk attirent du monde, et c’est une bonne nouvelle ; deux qu’il se sent suffisamment fort pour supprimer un représentant de l’autorité. Il n’a pas peur, et ça ce serait plutôt mauvais signe.

 

Ensemble, ils arrivent à une large ligne lumineuse devant la loge. Crépitement d’énergie, une série de champs de force presque invisibles les emprisonne. Leur hôte se lève, un large mouchoir blanc à la main, et se met à parler.

 

Tout cela défile en un instant à la mémoire de Bruno, tandis que chute lentement au sol le fin tissu immaculé.