Block 108 bis : 22



22 :
 
 
 
« - Bjorn, je ne suis pas content de vous. Pas du tout… » Au bout du fil, le personnage qui prononce ces paroles de façon menaçantes envers Bjorn Ulvaeus, chef de la sécurité de OneCorp, est Enrique Zimmer, son homologue chez Corpacabana. « J'ai déjà eu cette conversation avec vous. Mon employeur a misé beaucoup d'argent pour s'emparer de Charles et Sidonie Tsilton et prendre le contrôle de OneCorp. Et où en est l'opération aujourd'hui ? Au même point que la dernière fois. C'est à dire nulle part. Le père et la fille sont toujours dans la nature, introuvables. Les services fiscaux du gouvernement sont maintenant installés à demeure chez mon employeur. Et plusieurs administrateurs de OneCorp semblent considérer sérieusement l'option d'une alliance avec une autre Corp... Rien ne va plus, Bjorn. La roulette va faire un dernier tour et demain, dans 24H, mon employeur sera dans l'obligation de réviser définitivement sa stratégie. A demain, Bjorn. » Et Zimmer coupe la communication.

Bjorn déglutit en desserrant le col de sa chemise d'un doigt nerveux. Et reprend la communication qu'il avait mise en attente.

Au bout du fil, un responsable de Armée Privée ©. Pas ce lieutenant incompétent responsable de l'unité Recherche & Nettoyage, mais un autre, plus galonné. « Enfin ! » éclate Ulvaeus « Et alors ? »
 
- Je vous confirme que Sidonie Tsilton est protégée par les quatre individus déjà identifiée. Ceux qui l'ont exfiltré de Block 108 bis et qui apparaissent à chaque étape. » Bjorn peine à se contenir. Si c'est pour répéter ce qu'il sait déjà... Mais l'autre poursuit. « Et nos tarifs viennent d'augmenter. Considérablement. En vertu de l'article 12 du contrat par lequel vous avez fait appel à nos services, je viens de prélever sur la caution le montant des frais médicaux de nos équipes de recherche. Le détail vous est joint. »

En bas de l'écran apparaît l'icône indiquant une pièce jointe. Le système affiche automatiquement le fichier. Bjorn s'étrangle en lisant la somme en bas de page. « Quoi ?!? Ma caution ? Pourquoi ?!? »

L'autre continue, imperturbable. « Le contrat initial couvrait les 72 premières heures et les dépenses afférentes. Mais comme le stipule l'article 12, la caution est appelée pour tous les frais à nature médicale onéreux engagés ensuite dans le cadre d'une poursuite d'opération décidée par le client. Or, il se trouve que vous avez validé la poursuite et que l'équipe engagée à votre demande à la poursuite de la cible a rencontré une résistance fort inhabituelle. » Le visage de l'officier supérieur grimace. « J'ai plusieurs morts et plusieurs blessés graves, M. Ulvaeus. Cela coûte de l'argent. Si vous souhaitez que nous poursuivions les recherches, je vous invite soit à verser une nouvelle avance d'un montant équivalent soit à me rappeler pour discuter des termes d'un nouveau contrat. Salutations, M. Ulvaeus. » Et l'homme coupe la communication.

Bjorn suffoque. Il regarde autour de lui, sonné, cherche de l'air, un signe rassurant, n'importe quoi. Ses neurones tournent à vide. Il faut qu'il se ressaisisse, là. Il pourrait verser la nouvelle avance demandée par Armée Privée ©, mais ça viderait ses comptes en banque. Même ceux que les impôts ne connaissent pas. Et vu comme les événements se déroulent, il n'est pas sûr du tout que ces matamores de pseudos militaires arrivent à mettre la main sur Sidonie en 24H...

En même temps, association d'idée, il pense à Rida, son fils et celui de sa seconde épouse. Rida, qui porte en lui, à son insu évidemment, une puce qui permet à Bjorn de savoir en permanence où il se trouve. Ça le réconforte. Il ne peut rien arriver à son fils, tant que son père sait où aller le chercher. Là, comme tous les ans, il randonne sous la surveillance de ces prêtres de l'Eglise du 8eme Jour. Il va en revenir fatigué, absent, limite asocial, mais plus fort, mieux armé pour affronter le monde. Bref, conclut Bjorn en lui-même, si la fille Tsilton ou n'importe lequel de ces quatre abrutis était pucé, il les retrouverait aussi simplement que Rida, en tapant un code sur son clavier.

Mais ni Sidonie ni les autres ne portaient de puce. Qui alors pourrait les retrouver ?


- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhh !!!!!!!!!! » Moïse hurle, court, saute, tout en essayant  d'arracher son pantalon. Il tombe, gigote frénétiquement, s'extirpe de son vêtement qui vole dans les fourrés, arrache son caleçon, se relève, crie encore « Ça brûle ! Ça brûle ! Aidez-moi ! » et il s'accroupit, écarte les cuisses, soulève son pénis, crie encore « De l'eau ! Une pommade ! Quelque chose, vite ! »

Horst, Gena et plusieurs jeunes se précipitent, essaient de calmer Moïse qui trépigne maintenant et sanglote en exhibant des parties génitales rouges, enflées « Aidez-moi, faites quelque chose. Ça brûle, ça me brûle ! » « Urticaire foudroyant. » dit Gena. « On a quelque chose dans la pharmacie ? Horst ? »

Celui-ci fouille son sac, écarte des boites, finit par en extraire un tube « Trimexoïde. Ca devrait faire l'affaire. » Horst se relève, déclipse l'opercule et s’apprête à le presser pour un récupérer une noisette sur la main quand... « Tiens, Moïse, finalement, je te laisse badigeonner. Tu sais où tu en as le plus besoin, finalement. »

Sans hésiter, le jeune homme s'empare du tube, récupère la pâte sur ses doigts et masse, malaxe langoureusement ses parties génitales avec des soupirs d'aise.

- Bon, ben.. On te laisse te finir, Moïse. Tu nous diras quand ça ira mieux ? » Et Gena s'écarte de Moïse qui, les yeux mi-clos, l'air extatique, continue tout doucement son massage intime.

- Purpurea. » annonce Damien en se rapprochant de Gena, Horst, Zack et Jon, tout en présentant une petite chenille pourpre et poilue qu'il tient soigneusement au creux d'une feuille large et épaisse. « Elle diffuse par l'extrémité de ses poils une substance urticante extrêmement puissante qui tient les prédateurs à l'écart. Mais là le prédateur était votre ami. »
- Et comment il a récupéré cette bestiole dans son caleçon, lui ? » demande Gena en se retournant vers Moïse qui s'est maintenant adossé à un arbre et semble se détendre, yeux clos et respiration lente mais sexe toujours à l'air et cuisses écartées.

- En s'accroupissant, » poursuit Damien en désignant un petit tas marron et fumant, au sol, juste un peu plus loin. « Faut faire attention, dans la nature. » et il retourne vers le groupe en jetant la feuille et la chenille dans un buisson.

- Ah ! Ah ! Ah ! Sacré Moïse ! » Horst relâche la pression en riant à gorge déployée « Tu n'avais plus mal à la cheville, au moins, pendant ce temps. » « Bon, on va peut-être pouvoir se remettre en route rapidement ? » conclut-il.


En même temps qu'il parcourt la petite troupe des yeux, Horst revoit les galères stupides qui ont marquées le trajet depuis ce matin. Et conclut que, comme depuis le début, ce voyage qu'il a cru maîtriser lui échappe en fait totalement, comme doté d'une vie propre.


- Et crotte ! Merde ! Chié ! » Là, c'était lui qui craquait. Qui avait oublié que la marche à pied est un excellent facilitateur de transit mais que dans la nature il n'y a pas de distributeur de papier toilette. Tout seul à l'écart, tranquille, écoutant le chant apaisant des oiseaux, il venait de s'en rendre compte. « Bon, ce ne sera pas la première fois, » se dit-il en se remémorant les longues séances de PrussCorp, les journées lâchées en pleine nature, sans soutien logistique. C'était il y a vingt ans, les forêts n'étaient pas les mêmes, mais les réflexes lui revenaient. Tester les feuilles. Retenir les souples, pas cassantes, pas coupantes, faire attention aux doigts, et voilà c'était torché.

- Horst ! Hey, Horst ! » Là, c'était Zack qui l'interpellait alors qu'il revenait de ce lieux d'aisance. « Tu es parti sans les bactéries. Il ne faut pas laisser la merde comme ça, ce n'est pas bon pour la nature. » Et le jeune de lui mettre en main un petit tube (en bois ?) avec pour consigne d'en verser une pincée sur la matière fécale. Pour activer la décomposition et laisser le moins de traces possibles dans le milieu naturel. « Moi, je veux bien, » pensa Horst en versant la poudre, « mais le sentier qu'on laisse derrière nous, il n'y a pas de gentilles bactéries pour redresser l'herbe et effacer les traces de pas. »

Sidonie n'avait jamais été à la dure école des commandos de PrussCorp et n'avait non plus sans doute jamais marché aussi longtemps sans un véhicule à portée de fessier. Et elle s'en plaignait constamment. Pourtant elle avançait comme les autres. Forçant même admiration de Host. Qui s'en ouvrit à Gena. Qui répondit « C'est juste un tour de magie, mon grand. Il y a un truc mais tu ne le vois pas. Tu étais en train de discuter stratégie avec les jeunes avant de partir quand madame s'est préparée. Et sérieusement. Je suis passé après elle dans l'antigrav, elle a pillé la pharmacie et la réserve de papier toilette. Et pas la peine de lui en demander. Tout reste dans son sac. Là, je te parie qu'elle a les pieds farcis de patch contre les ampoules, d'autres patch sur les cuisses et les mollets contre les crampes, et quelques gélules miracle en réserve. »

Mais heureusement, pensait Horst, tout ça n'empêchait pas le groupe d'avancer. Malgré les messes de Damien, malgré les cours d'eau à traverser et les chutes inévitables, malgré les détours causés par le relief ou une végétation infranchissable, la troupe marchait, marchait. Gena et Horst laissaient l'avant-garde à Zack et Jon, qui maîtrisaient l'art de la boussole, et se réservaient l'arrière-garde, espérant entendre les poursuivants avant que ceux-ci ne les aperçoivent.

Jusque là tout allait bien. Pourvu que cela dure.
 

Commentaires

Par Bardablog le 16/04/2012 à 20:07

Ben voilà : c'est lu et je recommence à attendre... Continue, c'est très bien !

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